« Miss Belgique, raciste à son insu? » Un texte salutaire de Mireille Tsheusi Robert

Notre Collectif a été interpellé par plusieurs sympathisants sur ce qu’il faudrait faire face à l’acte raciste posé par Miss Belgique 2017, Romanie Schotte. Le premier conseil est celui de vulgariser chacun à son niveau cet excellent texte de Mireille Tsheusi Robert publié par le quotidien Le Soir et que nous reprenons ci-dessous. Le second est d’aller signer l’une des pétitions initiées contre cette jeune femme ignorante de première catégorie. Et enfin, notre dernier conseil est de voir grossir le nombre de militants et de ceux qui se mettent en action de manière permanente et pas seulement quand un scandale arrive. L’occupation du terrain, y compris en termes de visibilité, est la meilleure arme pour tous ceux qui souhaitent une société et une citoyenneté inclusives débarrassées de toutes les scories du racisme normalisé.

Unia, l’ex-centre pour l’Égalité des chances, a ouvert un dossier pour racisme à la suite de la publication d’un commentaire sur le réseau social Instagram par la nouvelle Miss Belgique, Romanie Schotte. Cette carte blanche dénonce les stéréotypes nauséabonds qui circulent encore trop souvent à propos des Noirs.

Le racisme envers les Noirs ou les Afro-descendants est le résultat d’une longue histoire d’humiliation des pays africains. La Belgique n’a (pas encore) entrepris un travail de fond, d’envergure et de longue haleine pour décoloniser les esprits, déraciner les stéréotypes sur les Africains permettant ainsi de dé-raciser les rapports sociaux. Si Miss Belgique est raciste, c’est parce qu’elle est fille d’un Etat postcolonial qui peine à engranger un travail de mémoire.

Dans une société culturellement et structurellement raciste comme le politique flamand Wouter Van Belligen ou la romancière Chika Unigwe ont pu le dire, il n’est pas étonnant que des réactions tout aussi racistes refassent surface. En effet, lorsqu’un internaute lui fait remarquer qu’il y a un «  nègre  » sur son selfie, Romanie Schotte répond «  je sais  », avec un émoticône en forme d’excrément (oui, des étrons !) ou de glace, la question n’est pas tranchée…

La Miss n’a pas fait de remarques à son interlocuteur qui s’exclame «  ce nègre  » ! Elle, lui a répondu «  je sais  ». Que sait-elle au juste ? Que c’est un « nègre » ? Par sa réponse, elle entérine l’usage du terme péjoratif et raciste de « nègre ». Pas très politiquement correct pour une Miss censée être rompue aux règles du protocole et de la bienséance…

Des siècles d’indécence

Cela fait plusieurs siècles que les peaux africaines sont comparées à des excréments, c’est du racisme vintage, n’en déplaise à Miss Schotte. Forte de son racisme inconscient, la Miss recycle des clichés rétro : les excréments ont une odeur parfois nauséabonde… les Noirs, ça pue, c’est bien connu ! (phrase raciste par excellence). Dans la vie quotidienne, les excréments sont évacués, on évite d’en parler en société, ce n’est pas convenable. On peut se demander si, au fond, la Miss vêtue d’une veste rose bonbon ne regretterait pas de n’avoir pu évacuer cet homme dont la couleur de peau semblait gâcher sa photo.

Oui, Miss Belgique est raciste, et alors ?

Est-ce si différent d’une partie des Belges ? Osons l’espérer. Mais si les Congolais (par exemple) sont plus diplômés que la moyenne des Belges et dans le même temps, les plus frappés par le chômage (souvent sans allocation), c’est peut-être parce que beaucoup de recruteurs en entreprise se disent, comme semble le penser notre sacrée Miss België : les « Nègres, c’est caca !  » ou chocolat…

La mésaventure de Miss Schotte est intéressante car elle est emblématique et révélatrice du racisme belge inconscient, que l’on espère in-intentionnel, toujours méprisant, souvent vintage (ou post-colonial).

L’excuse de « l’ami noir »

Non, je ne suis pas raciste, j’ai un ami noir…

C’est là l’un des préludes les plus répandus des discours racistes, une phrase qui sert à s’excuser a posteriori. C’est enfin à un type de manœuvre classique qu’a recouru la Miss en déclarant dans un communiqué : «  Mon père travaille principalement en Afrique, comment pourrais-je être raciste ? ». Mais nous ne savons pas ce que son père fait en Afrique ! Des affaires ? De l’humanitaire ? Il faut être plus explicite, on pourrait confondre les deux secteurs d’activité… Quoi qu’il en soit, même si la conduite du père de cette Miss est exemplaire – ce qui n’est pas le cas de tous nos aïeux – cela ne la vaccine pas contre le racisme. Tenez-le vous pour dit.

Le fait d’exprimer des excuses, même éventuellement à contrecœur ou contrainte et forcée par la polémique, était un bon début mais la reine de beauté s’est embourbée dans des analogies douteuses visant à faire passer du caca pour une glace au chocolat au nom de la culture flamande (sic).

Inversion des rôles

«  Je ne voulais pas faire de mal…  » Romanie Schotte explique qu’elle ne voulait blesser personne. Malheureusement, qu’il soit inconscient et/ou in-ententionnel, le racisme reste du racisme et la blessure qu’il cause n’est pas moins douloureuse et humiliante. Se présenter comme victime en déclarant «  On me veut du mal  » est une inversion des rôles inacceptable pour qui connaît l’histoire des aventures belges au Congo, Rwanda et Burundi ! Mais la Miss n’a peut-être pas entendu parler de cela lors de son cours d’histoire, comme la plupart des Belges de moins de 40 ans.

Dommage car dans la foulée, la Miss a réveillé des médisances communautaires, sali sa couronne, insulté ce qu’elle représente, discrédité le concours de Miss Belgium, et tout aussi important, prêté le flanc aux machistes de tous bords.

A l’avenir, nous invitons le Comité Miss Belgique à faire une meilleure enquête sur les candidates. Une telle situation est inexcusable, des enfants afro-belges se font traiter de « brun caca » ou de « couleur de la merde », bravo !

En tant qu’aspirante Miss Belgique qui espérait représenter tous les Belges, dont les Afro-Belges (les « nègres » donc…), Romani Schotte aurait dû défendre ceux qu’elle représente en refusant l’usage du terme « nègre ». A défaut de cours d’histoire, nous aimerions prescrire quelques lectures : Racisme Anti-Noir, entre méconnaissance et mépris (M-T Robert, N. Rousseau, ed. Pax Christi/Couleurs Livre), Créer en Postcolonie. 2010-15. Voix et dissidences belgo-congolaises (S. Demart et A. Abrassart, ed. Bozar/Africalia).

Je suis prête à offrir ces ouvrages à Romanie Schotte, mais pas avant qu’elle ait rendu sa couronne… désormais nauséabonde !

Source : Quotidien Le Soir

 

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